KHALIL GIBRAN
Œuvres, II
Après avoir publié à Paris aux Éditions Orizons, dans la collection Cardinales, Œuvres, I, recueil des quatre premiers ouvrages que Khalil Gibran écrivit en anglais (Le Fol, Le Précurseur, Le Prophète et Le Sable et l'Écume), recueil enrichi de très nombreux aphorismes et poèmes inédits du vivant de Gibran, dont plusieurs sont traduits en français pour la toute première fois, paraît Œuvres, II, recueil des quatre ouvrages suivants de Gibran : Jésus le Fils de l'Homme, Les Dieux de la Terre, Le Pérégrin et Le Jardin du Prophète. Deux pièces de théâtre méconnues, Lazare et sa Bien-Aimée et L'Aveugle, viennent compléter ce second recueil.
Parution prévue fin 2024 • xxx pages • ISBN 979-10-309-xxxx-x • xx €
Éditions Orizons • 25, rue des Écoles • 75005 Paris • editionsorizons.fr
Points de vente et de présentation
EXTRAITS
Titre
Prochainement...
Préface
Prochainement...
Prolégomènes
Prochainement...
Jésus le Fils de l'Homme
Prochainement...
Les Dieux de la Terre
Prochainement...
Le Pérégrin
Prochainement...
Le Jardin du Prophète
Prochainement...
Lazare et sa Bien-Aimée
Prochainement...
L'Aveugle
Prochainement...
Table des matières
Prochainement...
avis au lecteur
Ami lecteur,
La langue anglaise que Khalil Gibran (1883‑1931) pratiquait dans ses écrits était très largement influencée par l'œuvre de William Shakespeare (1564‑1616) et par la version King James de la Bible, réalisée sous le règne et à la demande du roi Jacques Ier d’Angleterre (1566‑1625), l’une et l’autre constituant ses principales références dans son apprentissage de l’anglais, dès l’âge de douze ans, à la Josiah Quincy School de Boston, où il fut élève entre le 30 septembre 1895 et le 22 septembre 1898, après avoir immigré aux États‑Unis avec sa famille. Il n’est dès lors pas étonnant que ses écrits en anglais foisonnent d’archaïsmes et de tours anciens.
L’usage que nous faisons de la langue française fait écho à celui que Gibran fit de la langue anglaise. C’est en cela que le présent ouvrage sort résolument de l’ordinaire. Notre nouvelle version de textes déjà traduits à plusieurs reprises se veut différente de celles qui l’ont précédée en ce sens que nous nous sommes employé à rendre le plus fidèlement possible, en plus du texte, sa forme désuète toute particulière, sa poésie et son rythme tout orientaux. Vous ne manquerez certainement pas de vous en rendre compte.
Le présent ouvrage se démarque, par ailleurs, radicalement des versions réalisées par certains de nos devanciers, poètes arabophones ne maîtrisant pas nécessairement la langue anglaise ou n’ayant pas été formés avec rigueur à l’art de la traduction, par d’autres encore qui traduisirent certains des textes de Gibran en français à partir de traductions arabes, ou qui se contentèrent d’adapter des traductions déjà parues. Notre travail personnel est par ailleurs abondamment annoté et fait une place de choix à de nombreux textes inédits en langue française, comblant ainsi un vide dans l’univers gibranien tel qu’il était, jusqu’à présent, accessible au lecteur francophone.
Adolescent, nous avons découvert Le Prophète, le joyau de Gibran, dans l’admirable traduction française qu’en fit l’avocat, diplomate, écrivain et traducteur libanais francophone Camille Aboussouan (1919‑2013). Le Prophète nous avait touché en plein cœur. Quelques années plus tard, au cours de nos études de traduction à Bruxelles, le texte original anglais s’offrit à nous. Il ne fit alors aucun doute qu’un jour, nous nous emparerions de cette œuvre. Plusieurs décennies s’écoulèrent et, notre parcours professionnel touchant à sa fin, nous étions décidé, tout comme Gibran l’avait été dans les années 1920 pour la publication de son ouvrage en anglais, de publier notre traduction personnelle de ce texte. Il nous fallut toutefois nous roder car, bien qu’ayant embrassé durant un quart de siècle la carrière de traducteur professionnel, nous ne pouvions nous improviser traducteur littéraire.
Pour bien traduire, il ne suffit pas que le traducteur mette en œuvre un savoir-faire confirmé, des méthodes éprouvées et des techniques maîtrisées. S’il entend traduire et, tout à la fois, offrir à ses lecteurs l’intelligence d’un texte rédigé en langue étrangère, il doit préalablement se documenter sur l’auteur, sur sa vie et sur son œuvre. (Dans le cas qui nous occupe, cette œuvre est à la fois littéraire et picturale, Gibran ayant également été un portraitiste et un artiste peintre accompli.) C’est à ce prix que, s’étant patiemment imprégné de la langue et du style du texte et de l’intention de l’auteur, le traducteur parviendra peut-être à transmettre le message complet de l’auteur avec la pleine émotion qui l’aura traversé au fil de son travail. Telle était en tout cas notre ambition…
Ainsi, après avoir lu l’ensemble de l’œuvre de Gibran en anglais et dans les nombreuses traductions françaises existantes, nous nous sommes engagé dans un travail ardu de comparaison des versions de nos devanciers, à la recherche des différences d’interprétation, à l’affût des écueils qu’ils ont su contourner avec plus ou moins d’habileté et d’élégance, émerveillé par les trouvailles éclatantes qu’au détour d’une page ils avaient couchées sur le papier.
Notre projet de traduction de The Prophet prenait lentement forme. Mais, avant de nous lancer dans l’aventure et de nous risquer à essayer de transposer le texte dans notre langue maternelle, une hésitation, un doute même, sourdit en nous et nous assaillit. Ainsi, pour nous faire la main et, surtout, pour nous rassurer de ce que l’entreprise put être à notre portée, nous nous attelâmes à la traduction du tout premier recueil que Gibran rédigea en anglais, langue qui lui était étrangère lors de son débarquement, le 17 juin 1895, à l’âge de 12 ans, sur Ellis Island, l’« île des larmes » pour les candidats à l’immigration refoulés et la « porte de l’Amérique » pour ceux qui étaient admis à y commencer une nouvelle vie.
Faisant suite à plusieurs parutions en langue arabe, la langue maternelle de Gibran, ce premier ouvrage, The Madman (Le Fol), est une anthologie de trente‑cinq textes de longueurs variables, paraboles et poèmes en prose, dans lesquels l’auteur tente, au sortir de la Grande Guerre et de ses atrocités, de donner un sens et une moralité à la vie. Constitué pour partie de textes rédigés en arabe et traduits en anglais par ses soins, et pour partie de textes rédigés directement en anglais, ce recueil qui parut à New York en octobre 1918, moins d’un mois avant l’Armistice, est un écrit pleinement oriental, sans influence du monde occidental. Gibran y exprime avec passion la vie intérieure, sans la retenue et la maîtrise de la plus vaste sagesse et de la plus profonde compassion qui caractériseront ses écrits ultérieurs. L’on y retrouve les thèmes qui seront développés dans ses deux ouvrages suivants, sous forme de jeunes bourgeons prometteurs dans The Forerunner (Le Précurseur) et de fleurs généreusement écloses dans The Prophet (Le Prophète).
Rassuré, nous nous attaquâmes ensuite à un recueil difficile, le quatrième que Gibran fit paraître en 1926 sous le titre Sand and Foam (Le Sable et l’Écume). L’auteur y regroupa des idées qu’il avait griffonnées au fil du temps sur des bouts de papier. Avant la publication de ce quatrième ouvrage, il avait déjà développé quelques-unes de ces idées dans ses trois premiers livres. Ce recueil, le plus intime et le plus personnel de ses écrits, nous dévoile ses convictions profondes, son parcours intellectuel sincère et authentique. Il nous permit d’approcher au plus près la personnalité de Gibran.
Le temps était à présent venu pour nous de gravir la montagne gibranienne et de nous immerger sans retenue dans son chef‑d’œuvre. Après avoir mûri en notre âme quatre décennies durant, notre version du Prophète était prête. Enfin, paru en 1920, le deuxième ouvrage de Gibran, The Forerunner (Le Précurseur), nous attendait sur notre table de travail.
Pour cette nouvelle traduction, notre choix stylistique en français a été celui de la langue classique et de la langue ancienne. Ce choix, dans cet exercice périlleux, fait écho aux options lexicales et syntaxiques délibérées de Gibran, qui fut aidé en cela par Mary Haskell (1873‑1964), la correctrice de ses textes. Aux archaïsmes de Gibran en anglais répondent, en français, des tours anciens ou classiques. Nous n’avons cependant pas cherché à établir des équivalences systématiques entres les deux langues, à rendre un archaïsme anglais en ayant systématiquement recours à un archaïsme français. Plutôt, dans un souci d’évoquer en français le style propre de Gibran en anglais, nous sommes-nous efforcé de dompter les eaux saccadées de la Wye sylvestre pour les rendre aptes au lit majestueux de la Seine, et de faire d’un jardin de style mixed border à l’anglaise un jardin à la française, tracé au cordeau.
Ce choix assumé de notre part rend compte de la multiplicité des possibles tandis qu’il s’agit, pour le traducteur, de s’approcher respectueusement d’un texte rédigé dans une langue étrangère, de se l’approprier page après page et de le faire lentement germer en son âme, avant de le restituer dans la langue de la traduction, en y ajoutant l’émotion ressentie par lui au fil de ce parcours patient d’intériorisation du texte.
Vous ne vous étonnerez dès lors pas de croiser, au détour d’une page, des graphies aujourd’hui passées d’usage, telles que encor pour encore, donques pour donc, avecque ou avecques pour avec, jà pour déjà, ou lors que pour lorsque, voire des mots sortis du français moderne comme aloue pour alouette, oisel pour oiseau, agnel pour agneau, ou jouvence pour jeunesse. Ailleurs surgiront des formes verbales aujourd’hui inusitées qui, en français classique, avaient pourtant droit de cité chez les meilleurs auteurs ; ainsi : clore, gésir, issir, occire, ouïr, seoir, ou sourdre.
Si certains de ces mots et formes d’antan que nous avons puisés à la langue classique ou ancienne que nous avons choisi d’honorer devaient vous être peu familiers, un lexique figure en fin d’ouvrage, qui en fournit des explications. Ces mots seront, dans nos traductions, suivis d’un astérisque.
Ami lecteur, nous vous souhaitons à présent une bonne lecture !
Philippe Maryssael