KHALIL GIBRAN
LE PRÉcurseur : SES PARABOLES ET POÈMES
Après les parutions des ouvrages Le Fol (The Madman), Le Sable et l'Écume (Sand and Foam), Le Prophète (The Prophet) en éditions bilingues, et de Le Prophète en edition limitée unilingue (lettrage blanc sur fond noir), la présentation bilingue du deuxième ouvrage que Khalil Gibran rédigea en langue anglaise est parue le 3 février 2022 chez DEMDEL Éditions sous le titre Le Précurseur (The Forerunner).
Parution le 3 février 2022 • 207 pages • ISBN 978‑2‑87549‑374-3 • 15 €
Points de vente
Les Éditions DEMDEL ayant cessé leurs activités au 1er novembre 2021, nos ouvrages ne sont plus disponibles par leur intermédiaire.
Extrait
Préface
C'eſt icy vn Liure de bonne foy, Lecteur.1
Cette apostrophe, Montaigne l'écrivit dès l'entrée de ses Essais. Elle sied comme un gant au nouvel ouvrage de Philippe Maryssael. Après quatre précédents essais, le linguiste belge spécialiste de Khalil Gibran nous offre un cinquième volet de l'ambitieuse entreprise intellectuelle qu'il mène consciencieusement depuis une décennie. Une véritable œuvre d'une vie : traduire en français, analyser, commenter et annoter l'œuvre complète de l'auteur du Prophète. Je suis toujours heureux et même agréablement surpris de voir cet ancien employé de banque, ce traducteur professionnel, ce terminologue averti, ce retraité comblé, s'atteler à cette colossale et redoutable tâche. Je reconnais ignorer, à ma honte, que les arides fonctions financières et bancaires peuvent mener — et par la grande porte, s'il vous plait ! — à pareil travail de haut vol qui mêle littérature, poésie, ésotérisme, spiritualité et grande érudition linguistique, et qui s'attaque à la production emblématique et pérenne du plus grand écrivain et penseur libanais de tous les temps.
Publié en 1920, Le Précurseur, initialement intitulé Le Solitaire, est le deuxième livre écrit directement en anglais par Khalil Gibran. Il s'agit de paraboles et de contes qu'imprègnent sagesse et mysticisme, et qui renvoient à la lointaine antiquité. Cette quête de l'Absolu est une ébauche qui annonce l'œuvre maîtresse (Le Prophète) que le public motivé s'arrachera trois ans plus tard. Un prélude où se reconnaît déjà le talent spirituel du célèbre Libanais qui se dépouille de sa carcasse mortelle et de ses origines ethniques et religieuses, se libère de ses désirs et fantasmes terrestres, tutoie l'Univers en quête de vérité, et touche les rivages de l'Universel. Un laboureur qui se propose de semer le champ en jachère de la vie et d'offrir aux générations suivantes une moisson en profusion. Khalil Gibran aura été un soufi à la recherche de la pureté de l’âme, un ermite qui consume son existence dans une méditation sans cesse hantée par l'idée de la purification de cette âme. Il n'est dès lors pas fortuit que ses textes se déclinent encore dans les temples de l'esprit, à l'image des livres sacrés, près d'un siècle après l'envol de leur auteur vers la rive lumineuse de la vérité.
La nouvelle version française que vous avez entre les mains a tout pour elle : l'extrême précision, la délicate douceur, la sensible élégance du classicisme. Décidément, le polyglotte Philippe Maryssael aime les langues qu'il maîtrise. Il les chérit, les respecte, les adoube et se les approprie. Il les affectionne, les caresse, les restitue dans leurs formes initiales et maintient leur lexique et leurs tournures dans les graphies d'antan. L'ensemble est un travail de bon aloi, bien ficelé, une œuvre de bénédictin et de ciseleur, que dis-je ?, d'orfèvre.
Encore un mot. Essentiel. Anatole France disait : Les historiens se copient les uns les autres. Ils s'épargnent ainsi de la fatigue et évitent de paraître outrecuidants. Imitez-les et ne soyez pas original. Un historien original est l'objet de la défiance, du mépris et du dégoût universels. Sans doute peut-on appliquer ce conseil à nombre d'auteurs et de traducteurs, comme les occasionnels et ceux du dimanche ou d'un livre, mais point aux plumes chevronnées. Sans vouloir paraphraser le romancier français, ni flatter l'amitié que je partage avec Philippe, je constate qu'il n'est pas un plagiaire pour un sou, mais un entrepreneur et un architecte averti, un bûcheur studieux appliqué à la tâche, un cavalier seul, consciencieux et subtil, un chercheur modeste et cependant confiant, sûr de lui-même et de ses capacités, mais nullement présomptueux. Mieux : je trouve qu'il arrive au traducteur de se couler dans la peau d'un poète en dilettante tout en restant fidèle à l'original. Laborieuse mais point périlleuse traversée dont il s'acquitte avec brio et élégance, et que le lecteur motivé jugera, relèvera et appréciera de lui-même.
Par les temps qui courent, et face à la pandémie ambiante, notre hôte a consacré le plus clair de son temps à plus utile et plus productif en nous offrant un livre de chevet rafraîchissant et réconfortant. Sa traduction vient à point nommé et nous invite à une plongée spirituelle, à un voyage méditatif et contemplatif. Par ce cheminement hors pair, je gage que ce défricheur méticuleux n'a pas dit son dernier mot et qu'il ne le dira pas de sitôt. Sa besace est encore bien remplie et sa détermination inébranlable nous étonnera encore (j'allais écrire encor pour lui être agréable). Je n’en doute pas un instant : il ira — j’en suis convaincu — jusqu'au bout de sa mission, qu'il transforme en un véritable sacerdoce, et il aura pour compagne de route, mieux !, pour complice, la passion du travail bien fait au service de la littérature universelle et pour la gloire du fils emblématique du Levant.
Merci Philippe, et bon vent !
Abdallah Naaman, Neuilly-sur-Seine, octobre 2021
1. C'est ici un livre de bonne foi, lecteur : graphie ancienne reprise à l'édition, datant de 1600, des Essais de l'écrivain, philosophe, humaniste et moraliste français de la Renaissance Michel Eyquem de Montaigne.